La castration chez le cheval.

La castration consiste à enlever de façon chirurgicale les testicules du cheval. Cette opération irréversible rend le mâle, désormais appelé "hongre", stérile suite à l'arrêt de production de spermatozoïdes, et bien souvent plus docile grâce à la diminution du taux de testostérone dans le sang. Même si cette opération est devenue banale, cela reste une intervention chirurgicale qui comporte des risques. Ayant été plus souvent confrontée aux castrations et stérilisations chez les chats et les chiens, j'ai décidé de me pencher sur le sujet afin de savoir comment cela se passe pour nos équidés.



Quand castrer son cheval ?


La castration est une opération qui peut être réalisée à tout âge mais pour autant, il est préférable de la faire chez le jeune cheval. Comme pour tout être vivant devant subir une opération, plus le cheval vieillit, plus les risques de complications sont importants (pour cause de système immunitaire moins performant, risque de mal supporter l'anesthésie, cicatrisation plus lente...). Ajoutons à ça qu'un entier adulte, s'il a déjà sailli, a les cordons testiculaires plus développés, ce qui rend la castration un peu plus difficile et augmente sensiblement les risques d'hémorragie.

Il est donc plus simple de le faire sur un poulain, d'autant que contrairement aux idées reçues, la castration ne perturbe pas la croissance. La testostérone, hormone sécrétée par les testicules, favorise (le terme est important, elle favorise seulement, mais n'est pas responsable) le développement des muscles. Mais que l'on castre à 1 an ou à 10 ans, l'effet sera le même : on aura une perte de muscle une fois le robinet à fabrication de biscotos fermé. A travail égal, un entier sera donc plus musclé qu'un hongre. Mais rien n'empêche un hongre d'être musculeux grâce à un travail régulier et rigoureux, et s'il est d'un modèle fin, c'est la génétique et les conditions de vie du cheval qu'il faut incriminer, et non la castration. Elle n’influerait que si elle est réalisée de manière trop précoce (à 6 mois par exemple) car l'arrêt de la testostérone provoquerait la fermeture des cartilages osseux, ce qui donnerait des chevaux un peu plus petits. Cela reste à vérifier, mais ce qui est sûre en tout cas, c'est que la castration transforme la conformation du cheval qui va développer un plus ample postérieur et alléger son avant-main (contrairement aux entiers avec leurs encolures souvent impressionnantes !).

Influence de la castration sur le développement du cheval.
Etalon à gauche (encolure imposante), hongre à droite (croupe plus arrondie), tous deux SF de sport de 7/8 ans - Crédit: harasdehus.com et nash-auction.com



Pourquoi castrer son cheval ?


La castration est donc en général pratiquée vers 1 an et demi ou 2 ans (âge de la maturité sexuelle). La question est : pourquoi castrer et pourquoi à cet âge là ?

La plupart du temps, on garde un cheval entier quand il est pure-race et possède de véritables qualités physiques, sportives ou mentales, dans le but de le faire reconnaître comme étalon (reproducteur agréé par les Haras Nationaux) et de le faire saillir. Parfois, on garde aussi un cheval entier par goût : ils sont réputés comme étant plus intelligents, plus sensibles et donc plus intéressants à monter/côtoyer que les hongres.

Dans tous les autres cas, on préfère castrer afin de limiter le risque de saillies imprévues et afin de faire disparaître ou réduire le comportement dominant des étalons avec les autres mâles (certains ne supportent pas la vue de congénères et se bagarrent sans cesse), et bouillonnant avec les juments (certains se contentent d'hennir à leur vue, d'autres s'échappent et provoquent des dégâts en partant à la recherche de juments, voire les blessent en voulant les saillir). Mais un étalon bien éduqué et sociabilisé dès son plus jeune âge n'est pas un lion et peut tout à fait vivre en bonne entente avec ses congénères : certains étalons vivent en troupeaux entre entiers, se lient d'amitié avec d'autres hongres et restent tout à fait gérables en présence de juments. Malheureusement, trop peu de gens prennent le temps de faire ce travail correctement, qui demande beaucoup d'investissement car il nécessite une attention et une rigueur de chaque instant, et l'entier reste dans l'imaginaire collectif un cheval sauvage et imprévisible. La plupart des écuries refusent donc de les prendre en pension par précaution et la majorité des entiers vivent une vie de solitude : jamais en contact avec leurs congénères de peur d'un accident et sorties au pré limitées de peur qu'ils s'échappent... Une vie bien triste pour un animal à l'instinct grégaire aussi développé que le cheval, d'autant que l'on entre dans un cercle vicieux : plus on éloigne l'entier des autres chevaux, plus l'excitation augmente quand il en voit, moins on est préparé à cette rencontre, plus il y a de risques d'y avoir un accident. C'est pour toutes ces raisons que, personnellement, je déconseillerais de garder un entier si on ne compte pas le faire reproduire, si l'on ne dispose pas du temps et de l'expérience nécessaire pour faire son éducation et si l'on est pas en mesure de trouver une écurie lui permettant de sortir et de côtoyer un minimum d'autres chevaux. Les conditions de vie actuelles des entiers sont encore bien trop privatives pour en garder un par "égoïsme", d'autant que le risque est toujours présent, même avec le plus gentil d'entre eux.

En dehors de ces considérations, la castration est parfois obligatoire pour certains mâles qui, dès 2 ans, commencent à s'affirmer, cherchent à prendre le dessus sur les autres chevaux comme les humains, deviennent agressifs et sont donc difficiles à gérer. Sans compter qu'un poulain de 2 ans difficilement contrôlable sera carrément dangereux à 6 ans avec 100 kg et 20 cm en plus. Tous ne deviennent pas comme ça et l'éducation joue, mais pour un entier qui devient ingérable, la castration est parfois une bonne solution : elle adoucie ces traits de caractère indésirables, voire les fait disparaître... quand elle est réalisée tôt. Plus le cheval est âgé lors de la castration, plus il est susceptible de conserver ce caractère dominant et ombrageux. Voilà pourquoi lorsqu'on est décidé à castrer, il est inutile de tarder.



La castration : opération, convalescence et risques


Une fois décidé à castrer son cheval, il ne reste plus qu'à prendre rendez-vous avec son vétérinaire. Il est préférable de prévoir l'intervention à la mi-saison (printemps ou automne) pour une meilleure convalescence : en hiver le froid et l'humidité font facilement sauter les chevaux au plafond et ne facilitent pas le déroulement de l'opération et de ses suites, tout comme la chaleur et les mouches l'été qui pourraient se mettre sur la plaie et gêner la cicatrisation.

Plusieurs méthodes de castration peuvent être pratiquées, dont le choix repose sur l'âge, la condition physique, la santé, l'environnement et le comportement du cheval, ainsi que le budget du propriétaire. Dans tous les cas, l'opération est assez rapide et dure en moyenne 20 minutes. Même si elle semble bénigne décrite ainsi, elle présente néanmoins, comme toutes les opérations, des risques de complications légères (œdèmes, infections), graves (hémorragies, éventration, hernie) et parfois plus rares (péritonite, paralysie du pénis, adhérences et boiteries chroniques) qui peuvent compromettre le futur sportif du cheval (dans le moins pire des cas). Les deux techniques les plus connues sont les suivantes :

  • Castration debout ou couché sans suture des plaies

La technique la plus utilisée de nos jours est la castration sans suture. Elle consiste à inciser le scrotum (la peau qui entoure les testicules), placer une pince appelée "émasculateur" autour du cordon testiculaire pendant quelques minutes afin d'écraser les vaisseaux sanguins (ce qui empêche les saignements) puis de couper le cordon. L'opération est faite sur chaque testicule. Les plaies sont ensuite laissées ouvertes pour favoriser le drainage et l'évacuation de résidus et avoir une cicatrisation propre.

Cette technique peut être réalisée debout, dans le lieu de vie du cheval, avec une sédation légère couplée à une anesthésie locale. C'est la technique la moins coûteuse, la plus simple et la plus rapide à réaliser, qui permet en plus de ne pas endormir complètement le cheval. Mais il faut donc être en présence d'un équidé relativement docile et qui présente des cordons de petite taille (jeunes chevaux).

La castration couchée sans suture utilise la même technique mais le cheval est dans ce cas endormi complètement. Elle est donc plus adaptée aux chevaux agités et permet une meilleure sécurité pendant l'intervention. Mais dans ce cas s'ajoute le risque que représente une anesthésie général de courte durée (mauvais réveil, arrêt cardiaque).

Castration couchée du cheval.
Castration couchée sans suture réalisée dans le lieu de vie du cheval - Crédit: chevalannonce.com


  • Castration couchée avec suture des plaies

Lors d'une castration avec suture, les risques de l'opération sont très diminués, la convalescence est plus courte mais l'opération doit obligatoirement être réalisée en clinique (le prix est donc plus élevé) et les risques liés à une anesthésie générale de moyenne durée sont plus importants. Cette technique est préconisée pour les chevaux ayant déjà saillie et présentant de gros cordons testiculaires.


Concernant la convalescence, elle peut aller suivant la technique utilisée de 10 jours à 1 mois, avec parfois des jours d'immobilisation au box obligatoires. Il est recommandé pour autant de faire marcher le cheval dès le lendemain de l'opération pour activer le drainage de la plaie. Mais pas de panique, le protocole à suivre ainsi que les soins à réaliser sont donnés par le vétérinaire et correspondent au cas particulier du cheval opéré. Il reste évident qu'il faut surveiller attentivement le cheval dans les heures qui suivent puis garder un œil sur lui durant les premiers jours. Puisque la plaie n'est pas suturée dans les majorité des cas, il faut veiller à garder le cheval dans un environnement propre (pas de paddock boueux ou de foin trop poussiéreux). Tout signe suspect comme des saignements, colique, perte d'appétit, fièvre ou œdème doivent être pris au sérieux. Mais si tout se passe bien, le cheval est de nouveau très vite sur pied et peut reprendre rapidement une activité sportive légère et progressive.



Et les juments dans tout ça ?


Cet article s'appelle "castration" et non "stérilisation" chez le cheval car on n'entend jamais parler d'opération chez les juments. Et pour cause : c'est une pratique peu répandue en France. Le risque de saillie accidentelle étant peu élevé car les hongres font légions (à moins d'être dans un élevage ou un haras), on ne voit pas la nécessité de stériliser également les juments. D'autant que si la castration des mâles est une opération très bien maîtrisée et rapide à réaliser de nos jours, celle des femelles est plus problématique.

Stérilisation jument.
La meilleure contraception de la jument : le coup de sabot arrière droit retourné !



Pour stériliser une jument, on doit procéder à une ovariectomie, c'est-à-dire à l'ablation des ovaires, ce qui supprime les cycles, les chaleurs et la possibilité de procréer. L'opération est majoritairement réalisée en clinique sous anesthésie générale puisqu'il faut ouvrir le ventre, plus rarement sur pied grâce à une anesthésie locale et une cœlioscopie (mais cela reste délicat et demande une jument parfaitement docile et calme). Les deux techniques sont assez onéreuses ou coûtent en tout cas plus chère qu'une castration, demandent plus de temps et présentent plus de risques.

Dans ces conditions, certaines vétérinaires refusent de pratiquer cette intervention si la jument ne présente pas de problème particulier. En effet, en France on procède généralement à une ovariectomie en cas de tumeur sur un ovaire, de kyste ou de chaleurs particulièrement douloureuses qui rendent la jument ingérable. Ce dernier cas très répandu fait de la vie de propriétaires de "pisseuses" un enfer une semaine par mois : jument agressive avec les humains et ses congénères, qui ne se laisse plus toucher, qui rétive en selle, colle à la jambe, n'engage pas... tout cela à cause de douleurs ovariennes. Bien souvent, ce comportement trahit des tumeurs et l'opération devient une véritable nécessité. Dans les autres cas, un traitement médicamenteux, homéopathique ou des séances d'ostéopathie ou de shiatsu peuvent apporter un véritable soulagement aux équidés comme aux cavaliers. Et éviter aux propriétaires les inquiétudes et le prix d'une opération. L'option poulinage reste quant à elle un véritable pari, car elle n'apporte une amélioration durable qu'une fois sur deux.



Le dernier mot Jean-Pierre...


La castration sur les grands animaux demande un peu de réflexion et surtout une vraie prise de position : est-on pour la castration systématique des chevaux si pas de reproduction à la clé ? A-t-on envie de faire évoluer l'image des entiers et de se mobiliser pour leur offrir des meilleures conditions de vie en ne castrant pas son cheval ? Est-on prêt à prendre le risque d'une opération sur une jument délicate ? Mais le problème le plus important soulevé par la castration reste, pour moi, la façon de considérer les entiers, sujet qui mériterait son propre article...














Pour aller plus loin

  • Sur l'acte chirurgical de castration

  • Etudes démentant le rapport entre croissance et castration

  • Témoignages sur la possible vie en groupe des entiers


A lire aussi sur le blog

Share:

5 Cavaliers ont dit

  1. Bonjour,
    Dans les effets indésirables de la castration, il existe également l'adhérence de castration qui est une complication véritablement gênante. Il s'agit d'une sur-cicatrisation : une accumulation de tissus cicatriciels, dût à une castration mal faite.
    Cela engendre une grosse "boule", tout dépend de la taille, cela peut être relativement petit ou alors très gros. Le mien par exemple en a une de la taille d'un pamplemousse (donc c'est énorme).
    Concernant le cheval : Grosses douleurs, difficultés à engager, boiteries, difficultés à toucher cette zone (voire même à simplement la doucher), problèmes avec le maréchal, l'ostéo....

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour,

      Enfaite, je n'ai fait que les citer, je suis passé très vite sur les complications même si c'est vrai que c'est important de les connaitre... En plus j'ai découvert les adhérences il y a peu, une connaissance ayant un cheval "atteint". De ce que je sais, ça le rend parfois ombrageux en selle, du mal à engager ou un peu compliqué pour sauter (alors que c'est un cheval de CSO qui tourne très bien). Il me semble qu'elle a essayé pleins de techniques douces pour le soulager sans grand succès (ostéo, massages etc).

      Mais je ne savais pas sous quelle forme ça se présentais. Et je ne pensais donc pas que ça pouvait prendre la forme d'une boule aussi énorme !! :O Il me semble qu'une opération est parfois possible...?

      Mais en cherchant sur le net on trouve parfois des témoignages rapportant que ce seraient la peau qui se colle au tissu cicatriciel, et donc que cela peut se résoudre seul si la peau se décolle au bout de quelques temps (parfois des années)...?

      En tout cas ça a l'air malheureusement assez courant et surtout hyper embêtant pour s'en débarrasser ou composer avec !


      Merci pour votre commentaire / témoignage ! :)

      Supprimer
  2. Ah, garder ou ne pas garder entier... Un vieux débat !
    Pour ma part, mieux vaut essayer de garder entier dans la mesure du possible. La castration est une opération banalisée, mais je ne peux m'empêcher de penser que c'est quand même une mutilation physique (et psychique !). Même chose pour l'ovariectomie chez la jument (même si c'est plus un acte "de soins" que "de confort" dans la grande majorité des cas).
    Si un jour j'ai un ou des chevaux... Je les voudrais entiers (si si, je jure ^^) ! J'en ai déjà monté (deux PRE et un haflinger), et c'était franchement génial. Et puis, ils ont une force, une beauté et une présence (prestance ?) à part...

    RépondreSupprimer
  3. J'avoue qu'avoir un entier est une idée séduisante... Si j'avais mes propres installations, je tenterais l'aventure mais autrement, j'aurais peur de pas pouvoir lui offrir la vie qu'il mérite (ou alors il faut trouver LA bonne écurie et les bonnes personnes).

    J'ai déjà cotoyé un peu un entier aussi, sans le monter, un croisement appaloo x trait vraisemblablement: bah j'ai été déçue tellement il faisait mentir les légendes sur les entiers ! Hyper calme, très respectueux, pas du tout chaud, sortait en balade avec tout un groupe de poneys hongre et jument sans bouger une oreille. Une crème quoi !

    Et actuellement il y en a un autre dans les écuries, juste superbe, mais lui (de ce que je vois en tout cas) est dans le cas: vie au box, pas de contacts avec les autres et chante pas mal ! :/ Mais ça a l'air d'être un gentil cheval aussi.

    RépondreSupprimer
  4. Je suis partie une journée en rando avec un entier et des juments en chaleur. Le monsieur était d'un calme étonnant. Quelques petits appels si les demoiselles sortaient de sont champ de vision, mais rien de plus!
    Comme quoi avec une solide éducation, on peut venir à bout de ces "monstres sanguinaires"!

    RépondreSupprimer